19 août 2022

Les vélos cargo, l’avenir de la livraison de colis en ville ?

Les vélos cargo sont de plus en plus nombreux dans nos villes. Ils représentent parfois une vraie alternative à la voiture pour les familles et participent à l’amélioration de la qualité de l’air et de la qualité de vie. Ils sont aussi de plus en plus utilisés pour transporter des marchandises et livrer des colis. Plusieurs sociétés sont d’ailleurs déjà actives dans différentes grandes villes belges, certaines depuis plusieurs années déjà.

Le vélo cargo et les colis se faufilent dans le trafic

Sur son vélo à assistance électrique, Cécile Robertz arpente les rues de Liège pour livrer les clients en temps et en heure. Dans son cargo, elle peut emporter jusqu’à 80 kilos et ajouter 150 kilos dans la remorque. Jusqu’à 230 kilos donc de colis et de matériel peuvent être chargés pour la tournée. Malgré l’assistance électrique, Cécile doit tout de même utiliser la force de ses mollets.

"Un des avantages de livrer avec un vélo cargo en ville est évidemment d’être bien plus agile qu’une voiture dans le trafic. Je peux facilement me glisser à droite à gauche", argumente-t-elle. Résultat : la livreuse liégeoise gagne beaucoup de temps sur les trajets de livraisons et est souvent plus rapide qu’une camionnette, bien plus dépendante du trafic en ville. "Je ne m’arrête jamais, sauf aux feux rouges évidement", plaisante-t-elle.

Lors de sa tournée du jour, Cécile Robertz effectue une douzaine d’arrêts pour livrer des colis et déposer les médicaments qu’elle transporte vers différentes maisons de repos du centre de Liège et alentours. "C’est une tournée que l’on effectue du lundi au vendredi, dans un timing que l’on respecte scrupuleusement parce que les personnes ont besoin de recevoir leur prescription et leurs médicaments en temps et en heure", précise-t-elle. Cette partie de la tournée se fait d’ailleurs durant l’heure de pointe de fin de journée.

Le vélo cargo plus efficace qu’une camionnette ?

Pour concurrencer les camionnettes en ville, le livreur à vélo doit rationaliser ses livraisons. "Ce qui est déterminant, c’est le rapport entre la superficie couverte et la densité de livraison au sein de cette superficie", explique Serge Mignonsin, gestionnaire opérationnel chez Rayon 9 à Liège.

"Quand on a débuté, on avait une très petite superficie parce qu’on avait très peu de colis à livrer, raconte-t-il. Pour éviter de faire des longs trajets pour un seul colis, on était obligé de réduire la surface. Aujourd’hui, puisqu’on transporte plus de colis, on a étendu notre superficie couverte à 70 kilomètres carrés". Les livreurs de la société liégeoise parcourent donc en moyenne deux kilomètres pour livrer un colis.

On pousse vraiment à faire du "dernier kilomètre"

La force de la livraison à vélo est sur les derniers kilomètres des colis, estime Olivier Bringard, administrateur chez Coursier Wallon, actif à Namur et jusqu'il y a peu à Mons. "On pousse vraiment à faire du ‘dernier kilomètre’". En d’autres termes, les transporteurs déposent leurs marchandises dans un hub logistique où les colis sont pris en charge par les coursiers à vélos pour livrer en plusieurs points dans la ville. C’est sur ce créneau que le vélo grignotera le plus de parts à la camionnette selon lui.

La cyclo-logistique urbaine a le vent en poupe

Les demandes de clients augmentent pour utiliser ce moyen de livraison plus durable. Olivier Bringard le constate au quotidien. "On peut parler d’une plus grande attractivité du transport à vélo cargo de la part des entreprises et des institutions, précise-t-il. Même s’il n’est pas rare encore dans nos villes qu’on nous prenne pour des saisonniers ou pour des sportifs", ajoute ce défenseur du professionnalisme du transport et de la logistique à vélo.

Le bon moyen de livraison au bon endroit

Le but n’est pas de remplacer les véhicules et camionnettes, mais d’être complémentaire en utilisant le moyen de livraison le plus efficace en fonction de l’endroit, de la distance et de la taille des colis. "Le bon moyen de livraison au bon endroit, résume Philippe Lovens de chez Urbike, société active à Bruxelles.

Le vélo a ses limites et il est évident qu’il ne pourra pas rivaliser avec une camionnette pour les colis les plus lourds et les plus imposants. Il est toutefois possible de transporter de nombreux colis acheminés pour l’instant en camionnettes dans les villes en Wallonie et à Bruxelles, assurent les acteurs du secteur de la cyclo-logistique.

Le vélo cargo pourrait ainsi prendre la place d’une camionnette dans plus de 30% des livraisons de colis et jusqu’à 50% pour les services, selon les conclusions du Cargo Bike and Cycle Logistics Experts Group en 2019. On est loin de cet objectif en Belgique.

Des tonnes de CO2 économisées chaque année

Au-delà de la logistique, l’aspect environnemental est indissociable de ce moyen de transport. Le vélo cargo n’émet pas de CO2 et est donc neutre en carbone. À l’exception évidemment de l’origine de l’électricité utilisée pour charger les batteries des vélos.

La société liégeoise Rayon 9 estime avoir économisé 20 tonnes de CO2 depuis sa création en 2016. Ce qui correspond à environ 250.000 kilomètres avec une petite voiture citadine.

Cet argument environnemental commence à séduire un certain nombre de clients qui font appel à ces coursiers à vélo pour livrer leurs marchandises. Outre les petits commerces de proximités, de grandes enseignes font également confiance à cette logistique à deux roues.

Par ailleurs, le vélo cargo est plus silencieux, prend moins de place et se stationne plus facilement qu’un véhicule à moteur. Il peut donc "renvoyer une image plus conviviale de la logistique, se targue Serge Mignonsin de chez Rayon 9.

Un modèle coopératif

Pour l’instant, ce sont surtout de petites sociétés qui sont actives sur le marché de la livraison à vélo cargo en Wallonie et à Bruxelles. Rayon 9, Urbike, Coursier Wallon, Molenbike, Dioxyde de Gambettes... toutes ont un point commun : leur modèle coopératif.

"Le modèle est de se dire qu’il faut des employés, du boulot variable, mais aussi que les employés se sentent responsables de la structure", considère Philippe Lovens, co-fondateur d’Urbike. Les coursiers sont donc prioritairement engagés, contrairement au modèle d’autres entreprises de coursiers bien connues. "On défend plutôt des valeurs écologiques et sociales", ajoute-t-il, prônant un modèle qui "favorise le travail plutôt que le capital".

À ce jour, bpost est le seul grand opérateur en Belgique à utiliser des vélos cargo, ou plutôt trailer, avec des remorques pour la livraison de colis. La société postale s’est lancée en 2019 et opère une soixantaine de tournées dans certaines villes comme Huy ou Schaerbeek.